De Le Monde, hoy; las cursivas son mías:
Au fil des jours, les mesures d'économie promises par le gouvernement se précisent. La réduction des aides sociales et les réductions d'impôts prévus pour 2011, laisse présager une lourde facture pour les populations les plus défavorisés, mais aussi pour les classes moyennes. Sociologue, professeur à Sciences Po Paris, Louis Chauvel explique qui sont ces français dits et en quoi cette catégorie est essentielle pour l'équilibre de la société.
Le Monde: Comment peut-on définir la classe moyenne française ?
Louis Chauvel :
Il n'existe pas " une " définition, car les classes moyennes sont plurielles. L'élément malade des classes moyennes est le segment qui vivait sur un travail relativement qualifié, stable, et pouvaient se passer du patrimoine, notamment de leurs parents, pour vivre confortablement.
Ce segment fait face à la déstabilisation de son statut, une paupérisation de ses conditions de logement, des tensions croissantes sur sa consommation, un stress au travail qui s'accroît, mais aussi une forme de marginalisation politique : les nouvelles générations de ces classes moyennes sont sous représentées dans les syndicats, et de plus en plus à l'Assemblée nationale.
Estimez-vous la classe moyenne vraiment mise à mal par les décisions d'économies du gouvernement?
Ces fractions des classes moyennes ont acquis des droits au cours des trois dernières décennies mais elles sont sous pression. Trop riches pour recevoir des supports sociaux, elles sont aussi trop pauvres pour bénéficier des transformations des dix dernières années, très favorables au patrimoine.
Dans la société française d'aujourd'hui, il vaut mieux vivre sur les plus values de longue durée d'un bon patrimoine que sur du travail salarié, même qualifié, même avec un revenu apparent relativement confortable. Le système de taxation est différent, plus encore depuis le bouclier fiscal.
Qu'est-ce qui vous frappe le plus dans les annonces gouvernementales ?
Ce qui frappe le plus est que les propositions présentées relèvent pour beaucoup des supports aux parents : dans un contexte de pénurie de crèches, ou de chambres d'étudiants, les emplois domestiques et les aides au logement avaient leur sens. Dans un contexte où l'argent public n'abonde guère, les modulations en cours pèseront sur les parents.
Pourquoi est-il important pour une société de préserver sa classe moyenne ?
Le modèle de croissance des années 1970 a consisté à développer un groupe social intermédiaire, ni riche ni pauvre, fondé avant tout sur le travail salarié. Ce groupe central a des vertus de stabilisation et d'expression d'un progrès politique et culturel. Ce groupe est maintenant sous forte pression, entre un camion balai plus proche de lui, et une classe moyenne supérieure patrimoniale qui décroche vers le haut. Les tensions sociales des classes moyennes ont toujours eu un effet délétère sur l'atmosphère politique des pays qui en ont fait l'expérience, l'Allemagne des années 1930 et l'Argentine des années 1960 en sont des exemples extrêmes.
Les autres pays s'attaquent aussi de front à leur classe moyenne ?
A peu près tous les pays de vieille industrie ont leurs problèmes de classes moyennes, mais la spécificité française est d'avantager considérablement les classes moyennes supérieures fondées sur le patrimoine plus que les autres segments. Le travail qualifié permet de moins en moins de constituer un patrimoine, dès lors que les parents n'en disposent pas. Au sein des générations de moins de 50 ans, ceux qui ne disposent pas d'un support massif de leurs parents resteront locataires à vie.
Quelles sont dans ce contexte les perspectives d'évolution des classes moyennes françaises ?
Il faut s'attendre à l'issue de cette décennie à un grand tournant. La génération politique qui a fait la vie politique et sociale de la France depuis 1981, et qui a contribué au legs sociologique de cette société de classes moyennes salariées vivant dans un confort intermédiaire, s'écartera progressivement de la vie politique. Il en résultera une forte déstabilisation du groupe social qui a porté ce projet politique.
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